lundi 27 mai 2013

Günter Schlienz



Photo : Johannes Schebler

Günter Schlienz est un musicien allemand. Adepte de sons synthétiques, d'univers parallèles, de musiques intemporelles, il s'offre, en toute simplicité, dans de longues plages hypnotiques et envoûtantes.
Il nous emporte sur des voix étoilées et déroule un fil d'Ariane au plus profond de nous-même.
Des tableaux se composent au creux de nos oreilles. Il suffit de se laisser guider...
Moments partagés avec cet artiste singulier.








Vers du Silence : Dans quel état d'esprit es-tu lorsque tu t'installes derrière tes claviers ? Y-a-t-il un moment, un lieu ou un espace important pour toi ?

Günter Schlienz : Le moment et le lieu sont très importants ! J'ai toujours à l'esprit - comme une forme de concept - de ne pas rester trop souvent au même endroit.
J'ai enregistré dans des chambres d'hôtel, dans des prés, à la plage, dans le jardin d'un ami, dans différents studios, différents endroits et, bien sûr, dans ma chambre.
Cette errance avec mon matériel et sa configuration a quelquechose à voir avec l'état dans lequel je me retrouve pour enregistrer. En étant dans un environnement inconnu, cela ouvre les sens et le résultat est très souvent une surprise pour moi : j'aime être étonné !
Et, évidemment, le moment où j'enregistre est également très important : j'aime jouer la nuit, dans le silence, dans la noirceur étoilée.




VdS : Ta musique met en évidence un lien fort avec la scène krautrock électronique des années 70 : te sens-tu proche de ce mouvement ?

Günter Schlienz : Bien sûr, je m'en sens proche !
Tu sais, j'ai commencé à faire cette musique ambiante/expérimentale vers la fin des années 90 sans connaître la kosmische music ou le kraut comme Cluster ou Klaus Schulze. J'étais influencé par des groupes comme Flying Saucer Attack ou Stars of the Lid.
Plus généralement, la musique allemande pour moi ressemblait à Die Toten Hosen (punk-rock allemand) d'un côté et, de l'autre, les chansons populaires. Mais certainement pas à la musique à laquelle je m'intéressais.
Durant cette période, je jouais dans un groupe, Navel. Lors d'un concert à Brest, en 2001 me semble-t-il, nous partagions l'affiche avec Tele:funken.
Nous utilisions des bandes, des générateurs de sons, des guitares comme le premier album de Cluster (même marque et même type de matériel !). Tom, un membre de Tele:funken fut surpris que nous ne connaissions pas les travaux de Roedelius et Moebius. A mon retour, j'ai immédiatement acheté "Cluster II" et "Musik von à Harmonia". Tout de même, cela me semblait étrange, nous utilisions les mêmes instruments et des méthodes de travail similaires, ce qui se retrouvait dans le traitement des sons. Comme une filiation, un environnement culturel et sonore qui, involontairement, nous revenait en héritage...



VdS : D'où te vient cette profondeur, ce sentiment abyssal que l'on peut ressentir dans ta création ?

Günter Schlienz : Je pense que c'est toujours très intéressant pour un artiste de savoir ce que les gens perçoivent en retour.
Je suis sensible au fait que quelqu'un aime ce que je fais mais je ne suis pas sûr de saisir ces notions de "profondeur" et de "sentiment abyssal". J'essaye juste de faire ma musique, celle qui touchera mon coeur et mon âme. En réalité, c'est le seul témoignage d'authenticité !



VdS : Quels sont les artistes avec qui tu as grandi, que ce soit historiquement ou spirituellement ?

Günter Schlienz : Bob Dylan, Jack Kerouac, Hans-Joachim Roedelius. Ils ont beaucoup de sens à mes yeux.
Le premier est apparu très tôt dans ma vie et il est la raison pour laquelle j'ai commencé à faire de la musique, de la guitare acoustique pour être exact.
Le deuxième est présent pour moi par les lectures et relectures de son oeuvre. C'est quelqu'un qui sait interpeller le lecteur sur l'existence : "I'm writing this book because we're all going to die" est un leitmotiv pour tout ce que je fais.
Enfin, le dernier me donne la force de croire en ma propre vision et de persévérer, même si personne ne s'en soucie.




VdS : Ta musique est réalisée sur un seul type de support, la cassette audio. Pourquoi ce choix ?

Günter Schlienz : J'aime les cassettes pour beaucoup de raisons. Elles ont un visage, les deux bobines sont les yeux, le côté inférieur de la cassette ressemble à une bouche souriante. J'aime leur taille, ni trop petite comme les cartes SD, ni trop grande comme les anciennes bandes. Tu peux facilement les stocker sans que cela ne prenne trop de place.
J'aime leur matière, les glisser dans le magnétophone. Les cassettes permettent d'enregistrer sur deux faces, entre 10 à 60 minutes chacune. Elles sont bon marché, facile à enregistrer et à réenregistrer.
J'aime les magnétophones, ce mélange de mécanique et d'électronique, facile à utiliser et à réparer.
Pour l'éditeur aussi c'est bon marché : que se soit pour enregistrer, pour l'envoi ou pour le stockage.
Et puis, la cassette est un objet réel, physique, avec son identité artistique et pas virtuel comme le sont les fichiers stockés sur un disque dur. Certains "délirent" sur l'impératif d'avoir un "son propre" mais ça ne me parle pas. La cassette est un excellent support pour enregistrer ma musique.
Bien sûr, j'aimerai aussi sortir ma musique sur vinyle. Mais malheureusement, c'est plus coûteux. Peut-être cela se fera un jour mais pour le moment, je n'ai rien de prévu.
Concernant le CD ou le CDr, ce n'est pas un format qui me convient.
Quoique je l'utilisais et, peut-être, je m'y remettrai dans l'avenir, mais il doit être dans un beau packaging pour former un bel objet.
Mais, je me rends compte que tout le monde n'a pas l'internet haut débit pour télécharger ou un magnétophone en état de marche : le fait de recevoir la musique sur CD, c'est très pratique ! Je connais quelques personnes dans ce cas en Pologne ou en Russie.
Malgré tout, c'est une chose vraiment agréable de pouvoir offrir un vrai format alternatif.




Günter Schlienz

Remerciements à Günter pour sa disponibilité, son écoute et sa gentillesse.

mardi 14 mai 2013

Arthur Cravan





Sifflet

"Le rythme de l’océan berce les transatlantiques,
Et dans l’air où les gaz dansent tels des toupies,
Tandis que siffle le rapide héroïque qui arrive au Havre,
S’avancent comme des ours, les matelots athlétiques.
New York ! New York ! Je voudrais t’habiter !
J’y vois la science qui se marie
A l’industrie,
Dans une audacieuse modernité.
Et dans les palais,
Des globes,
Eblouissants à la rétine,
Par leurs rayons ultra-violets ;
Le téléphone américain,
Et la douceur
Des ascenseurs...
Le navire provoquant de la Compagnie Anglaise
Me vit prendre place à bord terriblement excité,
Et tout heureux du confort du beau navire à turbines,
Comme de l’installation de l’électricité,
Illuminant par torrents la trépidante cabine.
La cabine incendiée de colonnes de cuivre,
Sur lesquelles, des secondes, jouirent mes mains ivres
De grelotter brusquement dans la fraîcheur du métal,
Et doucher mon appétit par ce plongeon vital,
Tandis que la verte impression de l’odeur du vernis neuf
Me criait la date claire, où, délaissant les factures,
Dans le vert fou de l’herbe, je roulais comme un œuf.
Que ma chemise m’enivrait ! et pour te sentir frémir
A la façon d’un cheval, sentiment de la nature !
Que j’eusse voulu brouter ! que j’eusse voulu courir !
Et que j’étais bien sur le pont, ballotté par la musique ;
Et que le froid est puissant comme sensation physique.
Quand on vient à respirer !
Enfin, ne pouvant hennir, et ne pouvant nager,
Je fis des connaissances parmi les passagers,
Qui regardaient basculer la ligne de flottaison ;
Et jusqu’à ce que nous vîmes ensemble les tramways du matin courir à l’horizon,
Et blanchir rapidement les façades des demeures.
Sous la pluie, et sous le soleil, et sous le cirque étoilé,
Nous voguâmes sans accident jusqu’à sept fois vingt-quatre heures !
Le commerce a favorisé ma jeune initiative :
Huit millions de dollars gagnés dans les conserves
Et la marque célèbre de la tête de Gladstone
M’ont donné dix steamers de chacun quatre mille tonnes,
Qui battent des pavillons brodés à mes initiales,
Et impriment sur les flots ma puissance commerciale.
Je possède également ma première locomotive :
Elle souffle sa vapeur, tels les chevaux qui s’ébrouent,
Et, courbant son orgueil sous les doigts professionnels,
Elle file follement, rigide sur ses huit roues.
Elle traîne un long train dans son aventureuse marche,
Dans le vert Canada, aux forêts inexploitées,
Et traverse mes ponts aux caravanes d’arches,
A l’aurore, les champs et les blés familiers ;
Ou, croyant distinguer une ville dans les nuits étoilées,
Elle siffle infiniment à travers les vallées,
En rêvant à l’oasis : la gare au ciel de verre,
Dans le buisson des rails qu’elle croise par milliers,
Où, remorquant son nuage, elle roule son tonnerre."

Revue Maintenant n°1 (avril 1912)




Wikipedia

samedi 11 mai 2013

Vieira da Silva


©Marion Kalter

"Vieira da Silva, Maria Elena ou Maria Helena, née à Lisbonne le 13 juin 1908 et morte à Paris le 6 mars 1992, est une artiste peintre portugaise appartenant à l'École de Paris.
Son style pictural propose un espace qui combine réseaux et mosaïques dans des compositions aux perspectives fuyantes. Elle est considérée comme l'un des chefs de file du mouvement esthétique dit du paysagisme abstrait (...)



À la fin des années 1950, Vieira da Silva avait acquis une renommée internationale pour ses compositions denses et complexes, influencées par Paul Cézanne, avec ses formes fragmentées, ses ambiguïtés spatiales et une palette de couleurs restreinte issue du cubisme et de l'art abstrait. Ces linéaments empruntés au monde réel et intégrés à une pratique picturale de tendance non figurative constituent certains des éléments caractéristiques de la définition du paysagisme abstrait, mouvement plastique à la tête duquel elle s'est rapidement retrouvée.



Elle est considérée comme un des plus importants artistes de l'art abstrait d'après-guerre bien que sa peinture ne soit pas purement abstraite. Ses œuvres ressemblent souvent à des villes labyrinthiques ou même à des rayonnages de bibliothèque, allégories d'une quête éternelle de connaissance et d'absolu." (Wikipedia)