"Moi je connais la nostalgie dans la profonde obscurité Comme l’aveugle connaît sa vieille demeure…
Je ne vois pas mes propres mouvements, Car ils sont cachés à ma vue, Mais sans me tromper ni trébucher Je bouge dans ce lieu Je vis dans ce lieu Sans doute comme une horloge mécanique Qui après avoir perdu ses aiguilles Continue à fonctionner sans indiquer Désormais ni les minutes ni les heures…
Et ballottant dans l’obscurité et la solitude, Je veux analyser cette nostalgie, Comme un chimiste, afin de comprendre Sa nature et son profond mystère. Dans ma tension, dans mon effort, Au loin éclate de rire l’eau du puits, D’un lointain indicible.
Un moineau des villes, en un gazouillement fluide, Exprime en un chant sans paroles sa pauvre existence D’une distance inaudible, D’une distance sans écho.
Les mots commencent à me blesser, Car c’est en moi qu’ils font écho, D’un lointain insaisissable, D’un lointain invisible.
Bien que je ne sois nullement aveugle, Pourtant je regarde autour de moi Et je ne vois rien Car Souvent nos yeux se séparent, se détachent de nous, et en allant et venant, arrivent là-bas, d’où nous sommes maintenant très loin Impossiblement loin, Infiniment loin.
Nous, nous courons après nous-mêmes Et nous n’arrivons pas à nous atteindre. Et nous n’arrivons pas à nous atteindre…
Et n’est-ce pas cela, peut-être, qui s’appelle Garod…"
À noter : Parouyr Sévak (en arménien Պարույր Սևակ), né Parouir Rafaeli Ghazaryan le 24 janvier 1924 à Chanaghchi (Arménie) et mort le 17 juin 1971 en Arménie.
(Source : Armenweb)