Günter Schlienz est un musicien allemand. Adepte de sons synthétiques, d'univers parallèles, de musiques intemporelles, il s'offre, en toute simplicité, dans de longues plages hypnotiques et envoûtantes.
Il nous emporte sur des voix étoilées et déroule un fil d'Ariane au plus profond de nous-même.
Des tableaux se composent au creux de nos oreilles. Il suffit de se laisser guider...
Moments partagés avec cet artiste singulier.
Vers du Silence : Dans quel état d'esprit es-tu lorsque tu t'installes derrière tes claviers ? Y-a-t-il un moment, un lieu ou un espace important pour toi ?
Günter Schlienz : Le moment et le lieu sont très importants ! J'ai toujours à l'esprit - comme une forme de concept - de ne pas rester trop souvent au même endroit.
J'ai enregistré dans des chambres d'hôtel, dans des prés, à la plage, dans le jardin d'un ami, dans différents studios, différents endroits et, bien sûr, dans ma chambre.
Cette errance avec mon matériel et sa configuration a quelquechose à voir avec l'état dans lequel je me retrouve pour enregistrer. En étant dans un environnement inconnu, cela ouvre les sens et le résultat est très souvent une surprise pour moi : j'aime être étonné !
Et, évidemment, le moment où j'enregistre est également très important : j'aime jouer la nuit, dans le silence, dans la noirceur étoilée.
VdS : Ta musique met en évidence un lien fort avec la scène krautrock électronique des années 70 : te sens-tu proche de ce mouvement ?
Günter Schlienz : Bien sûr, je m'en sens proche !
Tu sais, j'ai commencé à faire cette musique ambiante/expérimentale vers la fin des années 90 sans connaître la kosmische music ou le kraut comme Cluster ou Klaus Schulze. J'étais influencé par des groupes comme Flying Saucer Attack ou Stars of the Lid.
Plus généralement, la musique allemande pour moi ressemblait à Die Toten Hosen (punk-rock allemand) d'un côté et, de l'autre, les chansons populaires. Mais certainement pas à la musique à laquelle je m'intéressais.
Durant cette période, je jouais dans un groupe, Navel. Lors d'un concert à Brest, en 2001 me semble-t-il, nous partagions l'affiche avec Tele:funken.
Nous utilisions des bandes, des générateurs de sons, des guitares comme le premier album de Cluster (même marque et même type de matériel !). Tom, un membre de Tele:funken fut surpris que nous ne connaissions pas les travaux de Roedelius et Moebius. A mon retour, j'ai immédiatement acheté "Cluster II" et "Musik von à Harmonia". Tout de même, cela me semblait étrange, nous utilisions les mêmes instruments et des méthodes de travail similaires, ce qui se retrouvait dans le traitement des sons. Comme une filiation, un environnement culturel et sonore qui, involontairement, nous revenait en héritage...
VdS : D'où te vient cette profondeur, ce sentiment abyssal que l'on peut ressentir dans ta création ?
Günter Schlienz : Je pense que c'est toujours très intéressant pour un artiste de savoir ce que les gens perçoivent en retour.
Je suis sensible au fait que quelqu'un aime ce que je fais mais je ne suis pas sûr de saisir ces notions de "profondeur" et de "sentiment abyssal". J'essaye juste de faire ma musique, celle qui touchera mon coeur et mon âme. En réalité, c'est le seul témoignage d'authenticité !
VdS : Quels sont les artistes avec qui tu as grandi, que ce soit historiquement ou spirituellement ?
Günter Schlienz : Bob Dylan, Jack Kerouac, Hans-Joachim Roedelius. Ils ont beaucoup de sens à mes yeux.
Le premier est apparu très tôt dans ma vie et il est la raison pour laquelle j'ai commencé à faire de la musique, de la guitare acoustique pour être exact.
Le deuxième est présent pour moi par les lectures et relectures de son oeuvre. C'est quelqu'un qui sait interpeller le lecteur sur l'existence : "I'm writing this book because we're all going to die" est un leitmotiv pour tout ce que je fais.
Enfin, le dernier me donne la force de croire en ma propre vision et de persévérer, même si personne ne s'en soucie.
VdS : Ta musique est réalisée sur un seul type de support, la cassette audio. Pourquoi ce choix ?
Günter Schlienz : J'aime les cassettes pour beaucoup de raisons. Elles ont un visage, les deux bobines sont les yeux, le côté inférieur de la cassette ressemble à une bouche souriante. J'aime leur taille, ni trop petite comme les cartes SD, ni trop grande comme les anciennes bandes. Tu peux facilement les stocker sans que cela ne prenne trop de place.
J'aime leur matière, les glisser dans le magnétophone. Les cassettes permettent d'enregistrer sur deux faces, entre 10 à 60 minutes chacune. Elles sont bon marché, facile à enregistrer et à réenregistrer.
J'aime les magnétophones, ce mélange de mécanique et d'électronique, facile à utiliser et à réparer.
Pour l'éditeur aussi c'est bon marché : que se soit pour enregistrer, pour l'envoi ou pour le stockage.
Et puis, la cassette est un objet réel, physique, avec son identité artistique et pas virtuel comme le sont les fichiers stockés sur un disque dur. Certains "délirent" sur l'impératif d'avoir un "son propre" mais ça ne me parle pas. La cassette est un excellent support pour enregistrer ma musique.
Bien sûr, j'aimerai aussi sortir ma musique sur vinyle. Mais malheureusement, c'est plus coûteux. Peut-être cela se fera un jour mais pour le moment, je n'ai rien de prévu.
Concernant le CD ou le CDr, ce n'est pas un format qui me convient.
Quoique je l'utilisais et, peut-être, je m'y remettrai dans l'avenir, mais il doit être dans un beau packaging pour former un bel objet.
Mais, je me rends compte que tout le monde n'a pas l'internet haut débit pour télécharger ou un magnétophone en état de marche : le fait de recevoir la musique sur CD, c'est très pratique ! Je connais quelques personnes dans ce cas en Pologne ou en Russie.
Malgré tout, c'est une chose vraiment agréable de pouvoir offrir un vrai format alternatif.
Günter Schlienz